La bière est un breuvage universel et très ancien, probablement le plus ancien jamais fabriqué par l'homme. Elle est si populaire qu'elle est la boisson alcoolisée la plus vendue au monde. On ne sait pas avec précision quand elle fut brassée pour la première fois. Sa découverte serait due à un concours de circonstances : une récolte d'orge destinée au pain, dévastée par la pluie, aurait germé. Exposée au soleil, puis contaminée par des levures présentes naturellement dans l'air : la bière était née.

Il est difficile d'estimer à quelle époque remontent les origines de la bière, mais sa découverte fut probablement fortuite, son élaboration résultant en premier lieu d'un processus tout à fait naturel. Il suffit en effet qu'une petite quantité de céréales additionnée d'eau soit chauffée par le soleil pour produire la réaction chimique qui fera de cette mixture un breuvage alcoolisé.

L’histoire de la bière est intimement liée à celle de ses ingrédients ainsi que des avancées technologiques qui firent de cette boisson le breuvage que l’on connaît aujourd’hui. Les premières cultures de céréales, et notamment de l’orge et de l’épeautre (une variété de blé), ont été attestées en 8000 avant J.-C. en Mésopotamie. Tous les ingrédients étant disponibles à partir de cette époque là, la bière pouvait exister et l’on estime son invention/découverte à 6000 avant J.-C.

Naissance située en Mésopotamie

Si l'on situe la naissance de la bière en Mésopotamie, c'est grâce aux premiers écrits des Sumériens mentionnant la bière baptisée « Sikaru » (dont la traduction littérale est pain liquide). C’était à la base de l’alimentation quotidienne. On la fabriquait par cuisson de galettes à base d’épeautre et d’orge que l’on mettait à tremper dans de l’eau, afin de déclencher la fermentation nécessaire à la production d’alcool, et que l’on assaisonnait avec de la cannelle, du miel ou toutes autres épices en fonction des préférences des clients. La bière, connue des peuples de Chaldée (maintenant Irak, Koweït) et d’Assyrie (Syrie, Liban, Palestine), devenue monnaie d’échange, commença sa dissémination.

Pendant la période antique, cette boisson aux vertus nutritives et médicales connaît un essor considérable de l'Egypte à l'Italie en passant par la Turquie et la Grèce. Elle conquiert le bassin méditerranéen bien avant le vin, contrairement aux idées reçues, et va y prospérer grâce à un climat propice et à la présence en abondance des ingrédients nécessaires à son élaboration.

Les Maisons de la bière en Egypte Antique

Les maisons de bière sont dans l’Antiquité, les cabarets et les maisons closes des grandes villes égyptiennes. Dans l’Égypte antique, on boit de la bière en toutes circonstances : aux champs, à bord des bateaux, lors des réceptions et, bien sûr, dans les cabarets des villes.

La bière ou le zythum fait aussi bien le bonheur de Pharaon que celui du simple paysan ou de l’artisan citadin. Elle est élaborée avec du froment ou de l’orge et des dattes, dont le sucre assure la fermentation du breuvage.

Dans un four identique à celui du boulanger, le brasseur et ses aides versent des pâtons frais dans des moules brûlants. Cette opération nécessite beaucoup de soin, car la pâte, faite avec du froment ou de l’orge, ne doit y séjourner que le temps de faire dorer la croûte, l’intérieur devant rester cru. Les pains ainsi confectionnés sont émiettés dans une grande cuve remplie d’un liquide sucré préparé avec de l’eau et des dattes. Un brasseur entre dans la cuve et piétine la préparation jusqu’à ce que le mélange soit homogène.

Au bout de quelques jours, quand la fermentation a lieu, le contenu de la cuve est transvasé dans de grandes jarres. Une passoire retient les plus gros morceaux de pain gorgés de bière, qu’un brasseur presse comme une éponge afin d’en extraire le précieux liquide.

La bière se conservant assez bien, elle est stockée dans des amphores fermées par un bouchon de paille et d’argile humide, ou par une petite assiette et un peu de plâtre. Il ne reste plus au brasseur qu’à apposer son signe distinctif indiquant le lieu et la date de fabrication. 

Bien que la plupart des Égyptiens fabriquent leur propre bière, le trafic des bateaux chargés d’amphores est intense sur le Nil : ils approvisionnent les villes, les cabarets et les villas des riches Égyptiens, qui font venir leur boisson favorite d’une maison réputée, car, comme pour le vin, il existe des crus différents, selon la teneur en sucre et le savoir-faire du brasseur.

Pour être consommée, la bière est versée dans des cruches de un ou deux litres, et les amateurs la boivent dans des gobelets en pierre, en métal ou en faïence. La bière brune est la plus courante, la blonde étant réservée aux fêtes.

Dans l’ancienne Egypte, le brassage de la bière était régi par des règles très strictes. Un brasseur qui avait l’audace de fournir une bière de mauvaise qualité courrait le risque d’être noyé dans son propre produit!

L’Empire romain

Les Romains se consacraient à la production de vin et plantaient des vignobles à perte de vue. Mais dans des régions où le raisin n’avait aucune chance de pousser à cause des conditions climatiques moins favorables, on s’est mis à cultiver du blé dont on tirait entre autres de la bière.

A cette époque, la bière était destinée à étancher la soif des légions romaines. Partout, la bière précédait le vin. Dionysos n’est devenu le dieu du Vin qu’après avoir régné comme Sabazios, le dieu archaïque de la Bière.

Après la chute de l’Empire romain, l’église a pris le contrôle des terres. Les ecclésiastiques et les moines se sont intéressés au brassage de la bière. Plus encore, jusqu’au onzième siècle, la brasserie était une activité exclusivement pratiquée par le clergé. Les ecclésiastiques notaient les recettes de leurs “boissons spiritueuses” sur des parchemins.

Comme nous l’avons déjà mentionné, le brassage de la bière était interdit à l’extérieur des murs des cloîtres. On a cependant assisté à la fondation de quelques brasseries civiles éparpillées de-ci de-là. Il a toutefois fallu attendre encore quelques siècles avant que le brassage ne devienne l’apanage du peuple.

L’Europe continentale

Elle gagne également les pays nordiques. Grâce à leurs multiples expéditions, les peuples du nord de l’Europe découvrirent la bière. Appréciée pour son goût et par son degré d’alcool assez élevé, la bière ne rencontra aucune résistance de la part de la vigne et s’implanta durablement au-delà des latitudes favorables à la viticulture, dans les régions aux précipitations idéales à la culture de l’orge et du houblon.

C’était le temps de la cervoise (ou cervesia) tant appréciée des Celtes et des Gaulois (qu’ils appelaient korma).

Vers l'an mille avant J.C., le brassage va connaître un progrès important grâce à l'usage systématique du feu pour sécher les céréales germées et faire bouillir le mélange d'eau et de malt.

Puis les Gaulois franchiront une nouvelle étape avec l'invention du tonneau en bois destiné initialement au stockage et à la conservation de la cervoise, mais dont l'utilisation s'étendra plus tard au vin.

La bière est devenue la boisson emblématique des Gaulois.

A partir du 16ème siècle, les premières communautés religieuses voient le jour et les abbayes autorisent la fabrication et la consommation de la bière.

Au 9ème siècle, Charlemagne recommande que la bière soit fabriquée par des experts et instaure l'obligation pour chaque domaine d'avoir sa brasserie. Si le brassage est bientôt pratiqué dans de nombreux châteaux et auberges, c'est aux moines que l'on doit les grandes avancées techniques, comme l'introduction du houblon au 12éme siècle, et à travers leur méticuleux travail d'observation des différentes étapes de fabrication qu'ils consignent dans leurs livres.

La contribution monastique

Le Moyen Âge apporte une certaine reconnaissance à la bière et ce n’est pas le dicton « liquida non frangunt jeunum » qui prouve le contraire. La tradition monastique veut que les moines assurent le gîte et le couvert aux gens de passage.

À cette époque, les moines vont mener à bien de multiples expérimentations sur les techniques de fabrication et l’aromatisation de la bière et son utilisation, créant, par exemple, la bière à l’écorce de chêne ou la soupe de bière.

C’est ainsi que Hildegarde de Bingen (1099-1179) découvrit les vertus aseptisantes et conservatrices du houblon (ainsi que son amertume) et les moines développèrent donc sa culture.

C’est également à cette époque que la fermentation basse est inventée dans les monastères, toujours grâce au houblon aseptisant et aux multiples caves de ces lieux. En plus d’assurer les besoins de la communauté monastique, les surplus de production permettaient de tirer des revenus supplémentaires.

Le succès de la bière engendre la formation de diverses guildes. Ce corporatisme aura un certain poids dans la société de l’époque.

Cependant, les moyens techniques de l’époque ne permettaient pas d’exporter la bière et c’est à la fin du XIIIe siècle, que l’on attribue à Gambrinus (ou Cambrinus) la diffusion de la bière hors d’Allemagne.

C’est en 1259 qu’apparaît le premier brasseur de métier.

Naissance officielle de la bière

Il faudra attendre le 15éme siècle et Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, pour voir l’utilisation du houblon prendre de l’ampleur. Ce dernier imposa en effet le houblon comme arôme principal de la bière, stabilisant un peu plus son goût. Jean Sans Peur meurt en 1419 après avoir créé l’ordre du Houblon. Un édit en 1435 impose cette recette et le mot bière apparaît pour la première fois.

Cependant, jusqu'au19éme siècle, il est impossible de produire une bière de goût et d'aspect équivalent d'un bout de l'année à l'autre. C'est l'invention du froid industriel, puis de la pasteurisation par Louis Pasteur qui résoudront définitivement ce problème.

Période contemporaine

La période contemporaine, en particulier le XIXe siècle, a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la bière. La brasserie Guinness à Dublin était devenue la plus grande brasserie du monde en 1914 et reste la plus grande brasserie de stout. 

La révolution industrielle apporta de nombreuses évolutions à la production de la bière. Jean Louis Baudelot de Sedan inventa en 1856 un refroidisseur de moût grâce auquel on pourra désormais fabriquer de la bière toute l’année, Hansen identifia les levures, Watt construisit sa machine à vapeur.

En 1873, Louis Pasteur préconisa l’élévation de la température pour éliminer les germes indésirables contenus dans la bière (pasteurisation).

Et enfin, en 1870, Carl Von Linde(1842-1934) inventa la machine frigorifique qui permettra l’expansion de la fermentation basse, jusqu’alors cantonnée à la Bavière depuis le XVe siècle, à travers le Monde.

Toutes ces évolutions ont permis d’obtenir une bière propre, limpide, de qualité égale et l’expansion du chemin de fer assura le transport dans toutes les régions.

En 1870, l’Alsace envoyait ainsi chaque jour un train entier de bière vers Paris. Les brasseurs durent s’industrialiser. Des milliers de brasseries fermèrent dans toute l’Europe, remplacées par des établissements de plus en plus gigantesques, comme à Sedan, Pilsen, Milwaukee, Strasbourg, Dublin, Amsterdam.

La concentration de ces brasseries crée les grands groupes que nous connaissons aujourd’hui, comme AB InBev, SAB Miller, Heineken, Carlsberg....

La révolution micro-brassicole

Bières d’Auvergne, Bretagne, Loire, Périgord, Poitou, Vendée, Vosges…

Par une combinaison de facteurs, dont la popularité croissante des bières étrangères et du brassage amateur la révolution micro-brassicole prend forme partout au monde. Parfois simples passionnés de la bière, parfois habiles entrepreneurs flairant la naissance d’un nouveau marché, les microbrasseurs ont contribué à la croissance de l’intérêt porté à la bière. On ne s’intéresse plus à la bière pour ses propriétés nutritives ou désaltérantes, mais pour son goût. Les expressions « bière de dégustation », « bière artisanale » et « bière de spécialité » naissent, parmi d’autres.

La bière en France

En 1910, on comptait 1 929 brasseries dans le nord de la France pour un total de 2 827 sur l'ensemble du territoire.

Pendant la guerre 1914-1918, de nombreuses brasseries ont été détruites réduisant leur nombre à 919.

Par ailleurs, le goût des consommateurs change, la fermentation basse se généralise et des évolutions techniques s’opèrent.

La seconde guerre mondiale accélère plus encore le mouvement. Près de 900 établissements disparaissent pendant cette période. Certains se reconvertissent en dépositaires.

En 1947, dans le Nord, 503 brasseries sont encore en fonction ; en 1950, il n’en reste plus que 116.

En 1960, la lutte menée contre l'alcoolisme favorise le déclin de la consommation de la bière, qui se voit alors remplacée par l'eau et les sodas. Il ne reste plus que 71 brasseries en France.

En 1968, il ne reste plus que 45 brasseries en France et en 1976, 23.

A partir de 1985, les brasseries artisanales se développent. Très ancrées dans un terroir, elles vont se multiplier de façon spectaculaire. Elles fabriquent des bières en petite quantité. Le plus souvent, elles sont aromatisées avec un produit local (châtaigne en Corse, noix à Grenoble, mirabelle en Lorraine).

En 1996, un retour à la bière s'opère avec le développement des brasseries artisanales.

On peut alors compter plus d'une centaine de brasseries réparties partout en France.

Aujourd’hui, grâce à l’essor des brasseries artisanales, on compte plus de 1000 brasseries présentes partout en France et plus de 5000 marques de bière. 

La consommation française de bière a renoué avec la croissance en 2015 après une trentaine d'années de baisse, tirée par la multiplication des brasseries et des variétés de bières, et par les femmes qui commencent à y prendre goût.

Cette croissance est due "à l'offre qui se multiplie" avec plus de brasseries, un développement croissant des bières artisanales et régionales et de nouveaux consommateurs notamment féminins.

Cette tendance vient d’Amérique du Nord où une telle progression existe depuis 20 ans. La conjoncture économique en convainc certains à monter une brasserie à côté de leur activité principale, mais ce sont surtout de grands amateurs qui osent se lancer professionnellement dans cette activité. Sans doute porté par le succès du fait-maison, faire sa propre bière est tout autant un passe-temps nourrissant qu’une passion qui se partage à plusieurs. 

Ces nouvelles brasseries souvent régionales ou artisanales diversifient l’offre de bière tant au niveau des typologies de bières qu’elles brassent qu’au niveau des palettes de saveurs. Leur créativité est récompensée, en quelques années l’image de la bière est modernisée. Le marché sort de la simple catégorisation blonde, brune, blanche, on rencontre de plus en plus de Lagers, de Pils, de Stouts, de bières Spéciales.

Le gros problème du brasseur est d’assurer une production au goût constant : car on ne le soupçonne pas toujours, mais un brasseur a des compétences de parfumeur tout autant que des talents de chef cuisinier et d’alchimiste. Du choix de l’eau à celui du malt, du houblon et des levures, sa production dépend des assemblages qu’il compose. "Tout brasseur dispose de 80 à 100 malts différents, torréfiés ou non. Il existe 150 variétés de houblon dans le monde, et un choix presque tout aussi large de levures, si bien que la recette de chaque brasseur est unique", "Sans parler de la technique de brassage"

"Avant, on pouvait dire 'Je n'aime pas la bière'. Mais aujourd'hui, il y a une bière qui correspond à chacun, il y en a pour tous les goûts"